Méthode pour une gestion quantitative équilibrée de la ressource intégrant les habitats piscicoles

Thématique | Gestion quantitative | Publié le 18 mai 2015
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Comment définir une gestion quantitative équilibrée de la ressource en eau dans les bassins bretons en intégrant la préservation des milieux aquatiques et la vie piscicole ? Pour répondre à cette question, des travaux menés par des scientifiques en collaboration avec les acteurs territoriaux, ont permis d’aboutir à la co-construction d’une méthode détaillant les phases et le contenu d’une démarche globale pour une gestion quantitative équilibrée de la ressource en eau intégrant les habitats piscicoles. Cette méthode se matérialise sous la forme d’un guide méthodologique à destination des territoires.

La démarche globale pour une gestion quantitative équilibrée de la ressource en eau intégrant les habitats piscicoles s’appuie sur un ensemble de questions « fil-rouge » successives auxquelles il est proposé de répondre :

  • Quelle est la ressource disponible dans mon bassin versant et comment se répartit-elle dans l’espace et dans le temps (entre saison et année) ?
  • Quels sont les volumes d’eau utilisés et comment se répartissent-ils dans l’espace et dans le temps (entre saison et année) ?
  • Les différents tronçons du bassin versant accueillent-ils des espèces de poissons sensibles aux problèmes de déficit en eau ?
  • N’y aurait-il pas, dans le bassin, des facteurs susceptibles de contraindre la vie des espèces de poissons de manière beaucoup plus marquée que les débits ?
  • Si les déficits en eau font courir des risques aux poissons, où se situent-ils dans le bassin ?

Méthode et résultats

L’association de scientifiques compétents en hydraulique, hydrologie / hydrogéologie, géomorphologie / hydromorphologie et biologie permet une expertise collective dans les domaines devant être considérés pour construire la démarche globale.

Une concertation avec les acteurs de terrain impliqués est nécessaire pour apporter des réponses pertinentes aux questions posées. Ainsi, en plus des acteurs scientifiques (Onema, Universités Rennes 1 et 2, Agrocampus Ouest, Irstea et BRGM), et institutionnels (DREAL, DDTM, MISE), des acteurs locaux (membres de la CLE, animateurs de SAGE et BV, Fédérations pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, …) ont également participé aux travaux.

La mise en application sur des territoires est l’approche retenue par le groupe technique et scientifique. Elle permet, au travers de ces exemples, de dégager des éléments généralisables détaillant la démarche globale à mettre en œuvre.

Les échanges au cours du projet ont souligné les différences de temporalité entre les chercheurs et les décideurs. Il est important de faire converger les intérêts des uns et des autres dans le projet. De même, la notion de confiance est importante du point de vue de la coopération entre acteurs et chercheurs. Les chercheurs doivent être capables d’expliquer les sources d’incertitude présentes dans leurs travaux et mettre en place une pédagogie adéquate.

Pour faire converger les intérêts, rapprocher les temporalités, le rôle de structures à l’interface comme le Creseb est essentiel. Le Creseb a également coordonnée l’écriture du guide méthodologique à destination des territoires, détaillant la démarche globale pour une gestion quantitative équilibrée de la ressource en eau intégrant les habitats piscicoles co-construite par les scientifiques, en collaboration avec les acteurs territoriaux .

Débit Minimum Biologique et Gestion quantitative de la ressource en eau | Guide méthodologique

La démarche étape par étape

L’objectif visé par le guide méthodologique est de proposer une manière d’appréhender la gestion quantitative de la ressource en eau dans les bassins versants prenant en compte la vie piscicole. La démarche est organisée en deux grandes phases : la réalisation d’un diagnostic territorial (A) venant alimenter la stratégie de gestion territoriale (B).

La démarche globale permettant d’appréhender la gestion quantitative de la ressource intégrant la préservation des milieux est organisée en deux grandes phases : la réalisation d’un diagnostic territorial (A) venant alimenter la stratégie de gestion territoriale (B). @Creseb 2012

Les contributions scientifiques

Le guide élaboré s’appuie sur le travail d’expertise conduit par Philippe Baran du pôle d’écohydraulique Onema – IMFT – Irstea de Toulouse, sur le bassin de l’Ellé Isole Laïta et sur les contributions pluridisciplinaires de différentes équipes scientifiques sur les volets hydrologie et hydrogéologie (Université de Rennes 1), hydromorphologie (Université Rennes 2) et biologie (Agrocampus Ouest).

Appui du SAGE Ellé-Isole-Laïta par le pôle Onema – IRSTEA – IMFT

Dans le cadre de son activité au pôle écohydraulique Onema-IMFT-Irstea, Philippe Baran a réalisé une expertise de l’étude « DMB » conduite sur le bassin Ellé Isole Laïta en 2011.

Les objectifs suivants sont visés :

  • aider le gestionnaire à reformuler sa question afin d’évaluer la tension réelle sur la ressource,
  • si le gestionnaire est confronté à un problème, comment identifier ce problème ? Quand la situation de tension sur la ressource survient-elle ? Comment analyser la situation ? Comment s’inscrivent les outils disponibles pour évaluer l’impact pour le milieu aquatique ? Comment les spécificités bretonnes doivent être prises en compte ?

Philippe Baran a ainsi proposé une démarche globale pour utiliser les outils associés au DMB (méthode microhabitats) dans les bons cadres et pour appréhender la gestion quantitative de la ressource tout en intégrant la préservation des milieux.

Autour de cette proposition, se sont articulées trois contributions complémentaires de scientifiques bretons.

Une étude pour déterminer les Débits Minimums Biologiques – Consulter les rapports de l’étude menées sur le territoire EIL – SMBSEIL – Lien URL

Volet hydrologie / hydrogéologie – Description et mise en œuvre de méthodes de caractérisation des débits d’étiage à l’échelle d’un bassin versant

La connaissance de l’hydrologie actuelle et naturelle (non influencée) d’un bassin versant considéré constitue un des premiers piliers de cette démarche globale. L’Université de Rennes 1 a proposé une contribution sur le volet hydrologie en :

  • expliquant de manière pédagogique le cycle de l’eau,
  • et fournissant des points de méthodes pour répondre aux questions suivantes : comment décrire le contexte hydrologique (naturel ou influencé) ? Quelle méthode pour reconstituer les débits naturels (intégrant l’estimation des incertitudes) ? Comment analyser la dynamique des hydrosystèmes : réactivité à la pluviométrie, capacité de stockage des nappes et leur impact sur le soutien d’étiage.

Pour ce faire, l’Université de Rennes 1 a proposé de mettre en œuvre de manière critique plusieurs outils disponibles sur trois bassins versants tests dont un est très anthropisé, permettant :

  • une analyse de la dynamique de fonctionnement des hydro-systèmes : l’analyse des données de débit (séparation des débits de base), réponse intégrée du système hydrologique aux sollicitations naturelles et anthropiques, permet de contraindre leur fonctionnement et d’estimer les ressources disponibles au cours du temps aux pressions de prélèvements (et rejets) pouvant également fluctuer. La réactivité des nappes (temps de réponse) ainsi que leurs capacités de stockage ont un impact sur le soutien d’étiage.
  • une reconstitution de l’hydrologie non influencée : la méthode de reconstitution par modélisation pluie-débit permet de synthétiser dans un modèle les connaissances acquises sur le comportement du bassin versant. Ces modèles reproduisent le régime des cours d’eau à l’aide de données météorologiques (pluviométrie, ETP), topographiques, pédologiques, géologiques, ainsi que les usages. Lorsque le modèle est bien calibré, l’annulation des usages permet de reconstituer les débits naturels.

Le travail a été effectué sur les bassins pilotes de l’Ellé Isole Laïta, de la Rance et de l’Odet. La diversité des conditions morphologiques rencontrées au sein de ces bassins versants doit permettre d’apporter des éléments de réponse adaptés au contexte breton.

Equipe scientifique : Laurent Longuevergne, Pascal Goderniaux et Philippe Davy – Géosciences Univ.Rennes 1

Volet hydromorphologie – Identification de la variabilité hydrogéomorphologique du réseau hydrographique et des conséquences pour l’étude des habitats aquatiques et la détermination des DMB

A partir du bassin pilote de l’Ellé Isole Laïta, l’Université de Rennes 2 a proposé une méthode à mettre en œuvre et les variables à renseigner pour caractériser l’hydromorphologie d’un cours d’eau sous l’angle des habitats :

  • Axe 1 : voir comment découper de manière pertinente le réseau hydrographique en tronçons géomorphologiquement homogènes,
  • Axe 2 : au sein de ces tronçons, voir comment analyser l’influence de la forme du lit mineur sur les paramètres hydrauliques (hauteur d’eau, surfaces mouillées) en fonction du débit afin d’établir un lien potentiel entre les conditions morphologiques et les conditions d’habitat.

Ces analyses critiques ont permis d’expliquer les méthodes employées afin de formuler des préconisations pour l’application de ce type d’approche à l’échelle d’un bassin versant. La diversité des conditions morphologiques rencontrées au sein du bassin versant de l’Ellé Isole Laïta permet de considérer celui-ci comme représentatif d’une grande partie du réseau hydrographique breton.

Equipe scientifique : Nadia Dupont (Univ.Rennes 2, UMR ESO), Simon Dufour (Univ.Rennes2, UMR LETG-COSTEL)

Volet Biologique : Approche pour l’identification des enjeux biologiques piscicoles sur un bassin versant et l’analyse de leur sensibilité en lien avec quelques éléments physicochimiques et hydromorphologiques

Agrocampus Ouest propose une méthode et les variables à renseigner pour identifier les enjeux biologiques et la sensibilité des espèces en lien avec les débits faibles sur un bassin.

Il s’agit d’analyser, sur la base de données existantes, les enjeux piscicoles du bassin pilote de l’Ellé-Isole-Laïta et d’identifier les espèces patrimoniales importantes pour le bassin dont le fonctionnement des populations pourrait être fragilisé par des débits trop faibles.

Ces analyses critiques ont permis d’expliquer les méthodes employées afin de formuler des préconisations pour l’application de ce type d’approche à l’échelle d’un bassin versant en Bretagne. La diversité des conditions morphologiques rencontrées au sein du bassin versant de l’Ellé Isole Laïta permet de considérer celui-ci comme représentatif d’une grande partie du réseau hydrographique breton.

Equipe scientifique : Dominique Ombredane (Agrocampus Ouest)

Le Creseb a coordonnée la rédaction d’un Guide méthodologique sur la démarche globale à mettre en œuvre pour appréhender la gestion quantitative de la ressource. Cette approche se doit d’être cohérente avec le niveau national et le volet réglementaire. Des échanges réguliers ont donc été mis en place avec l’Onema (Délégation inter-régionale Bretagne Pays de la Loire et Direction de l’Action Scientifique et Technique à Paris), la DREAL, les DDTM et les MISE.

Perspectives

Ce guide s’intéresse à la vie piscicole, d’autres groupes animaux (invertébrés benthiques et hyporhéiques, batraciens par exemple) ou végétaux (macrophytes, diatomées, …) peuvent cependant être impactés par différents facteurs dont les variations de débit notamment en période d’étiage. Il serait donc intéressant d’intégrer également cette dimension non abordée dans cette version du guide. Cependant, les séries chronologiques sur ces groupes d’organismes aquatiques sont très rares bien qu’ils soient l’objet d’enjeux de conservation ou de biodiversité.

Sur le territoire pilote sur lequel la démarche a été déroulée (bassin versant de l’Ellé Isole Laïta), la morphologie des cours d’eau est relativement préservée. Il serait donc intéressant de mettre en œuvre les différentes étapes de cette démarche sur des bassins versants plus anthropisés où la morphologie des cours d’eau est moins préservée.

Ressources complémentaires

La lettre d’information du Creseb n° 7. Débit Minimum Biologique et gestion quantitative de la ressource en eau – Retour sur la démarche de co-construction du guide méthodologique Débit Minimum Biologique et Gestion quantitative de la ressource en eau – Téléchargement (4,64 Mo)
Site d'écluse, déversoir et barrage mobile
CGLE 2014 | Comment aborder le Débit Minimum Biologique dans la gestion quantitative de la ressource en eau ?
Une lamproie suce un rocher pour le maintenir en place dans une rivière d'eau douce à débit rapid
Approche méthodologique pour estimer les débits écologiques
Cours d'eau naturel
Gestion quantitative et milieux aquatiques : premières approches (2011-2016)
Site web du Creseb

Depuis sa création le Creseb est interpellé sur la question de la gestion quantitative de la ressource en eau en lien avec les milieux aquatiques.

Le Creseb accompagne des projets de recherche sur cette thématique, organise régulièrement des journées d’échanges avec les scientifiques et les acteurs de la gestion intégrée de l’eau. De nombreuses ressources documentaires sont également référencées sur son site.

Retrouvez ici l’ensemble des contenus référencés sur le site du Creseb ayant attrait à cette question.